Construire la paix - en long

Contrairement aux idées reçues, l’Homo academicus n’est pas un ermite, la pensée intellectuelle n’est pas l’affaire intracérébrale de quelques-uns. Au contraire. La culture, au sens large du terme, est partie constitutive du lien social, elle se nourrit du dialogue et de la rencontre, elle participe à la compréhension d’une réalité quotidienne partagée, éprouvée, par tous. La pratique de l’histoire est en lien direct avec cette réalité, elle la met en relief, elle l’anime, elle en éclaire les multiples aspérités. Mais pourquoi faire ? Cette réalité nous préoccupe, nous angoisse peut-être, nous sidère parfois jusqu’à nous laisser enfermer dans des préjugés, manipuler par des idéologies simplificatrices. Quittons les slogans réducteurs et prenons le temps d’entrer ensemble dans les plis de notre présent, c’est ce que la Maison de l’histoire vous propose par le biais de tables rondes et de conférences, de cafés littéraires et de films, de concert.
Pour cette première édition des Rencontres de Genève Histoire et Cité, le thème général choisi est « Construire la paix ». Parce que 2015 résonne avec 1815, le Traité de Vienne et la naissance de la Sainte Alliance qui mit un terme aux guerres napoléoniennes et consacra le rattachement de Genève à la Confédération.
Parce que nous commémorons en mai 2015 le 70e anniversaire de la fin de la Deuxième guerre mondiale en Europe et la naissance d’un ordre nouveau, celui de l’après-guerre. Parce que Genève en tant que telle s’inscrit au cœur des institutions internationales qui sont nées pour la paix au lendemain des deux guerres mondiales qui ont saccagé notre continent. Parce que la paix, sa construction et sa préservation, est un enjeu permanent qui nous concerne tous. En présence des meilleurs spécialistes, historiens mais aussi anthropologues, sociologues, politologues, littéraires, juristes, journalistes, diplomates, humanitaires, les débats se multiplieront autour de la question du sens même de la pacification des sociétés au lendemain de conflits, sur tous les continents et à toutes les époques. Construire la paix n’est pas seulement cesser le combat et adhérer à un nouvel ordre politique, c’est aussi des pratiques de confrontation, des rituels (le fameux calumet de la paix par exemple), des traumatismes collectifs ou individuels à gérer, du ressentiment, de l’hébétement au lendemain d’un massacre. C’est parfois aussi de l’espoir. Dans le monde de plus en plus complexe et globalisé dans lequel nous vivons, ces trois jours de débats et de réflexions nous permettront sinon de mieux appréhender les réalités d’hier et d’aujourd’hui, du moins, de mieux en cerner les enjeux.

 

Micheline Louis-Courvoisier, directrice de la Maison de l’histoire, Université de Genève et Pierre-François Souyri, directeur des Rencontres de Genève Histoire et Cité