Ecouter et visionner la table ronde.
Vues à travers des représentations stéréotypées, les guerres qui sévissent en Afrique seraient aujourd’hui le signe de la « fragilité » des Etats, du caractère « artificiel » de leurs frontières, de la puissance d’une conscience ethnique ou religieuse qui les subvertirait, voire de la « barbarie » de leurs peuples. Or, la guerre a pour enjeu la formation de l’Etat plutôt que sa récusation, enjeu pour lequel des revendications et des stratégies sociales ou politiques rationnelles sont avancées. Faute de prendre en compte ces processus, les modalités des paix promues par les institutions multilatérales et les Etats occidentaux sont-elles opérantes ou contre-productives?
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Dans les conversations du Café du Commerce, dans les colonnes des journaux ou sur les écrans de télévision, l’Afrique est le continent de la guerre, dont l’aurait brièvement distrait la « paix coloniale ». C’est oublier que celle-ci a d’abord été une conquête et une occupation militaires, qu’elle a entraîné les sociétés africaines dans deux conflits mondiaux qui ne les concernaient pas, et qu’elle les a associées à la répression de luttes nationales de libération, notamment en Indochine. En outre, la colonisation a donné à l’Afrique des moyens de destruction autrement plus létaux que ceux qu’elle connaissait, et qui ont transformé l’exercice de la guerre sur son sol en la massifiant : les victimes se comptent désormais par dizaines de milliers, voire par millions comme dans la région des Grands Lacs.
D’un stéréotype à l’autre, la guerre serait aujourd’hui le signe de la « fragilité » des Etats, du caractère « artificiel » de leurs frontières, de la puissance de la conscience ethnique ou religieuse qui les subvertirait, voire de la « barbarie » de leurs peuples. Mais les recherches de terrain montrent qu’elle a pour enjeu l’Etat, plutôt que sa récusation, qu’elle peut contribuer à sa formation, qu’elle véhicule des revendications et des stratégies sociales ou politiques rationnelles, qu’elle se professionnalise. Faute de prendre en compte ces processus, l’ingénierie de la paix que promeuvent les institutions multilatérales et les Etats occidentaux est inopérante, voire contre-productive.
Pour analyser le « métier des armes » au Tchad, et pour sortir de l’alternative illusoire entre la guerre et la paix, Marielle Debos a parlé d’ « entre-guerres ». Telle est la mise en perspective dont débattra la table ronde afin de mieux comprendre les conflits africains contemporains dans leur historicité complexe, dans leur dimension sociale et politique, et dans le jeu diplomatique auquel ils donnent lieu.