Comment Tintin montre-t-il et accompagne-t-il l’Histoire, dans les albums d’Hergé comme dans ses détournements parodiques ? À travers la mise en scène furieusement hergéenne de personnages historiques de la Suisse par Exem, l’utilisation didactique mais inattendue de Tintin comme « reporter » médiateur de l’histoire suisse par Jean Rime et les réflexions du professeur Michel Porret sur la bande dessinée et l’Histoire, ce débat animé par Alain-Jacques Tornare interrogera finalement la part du vrai et du faux dans le neuvième art.
Dans le cadre de la table ronde que le Musée des Suisses dans le monde organise, le professeur Michel Porret nous montrera sans doute comment « La bande dessinée éprouve l’histoire ». Passionné des aventures de Tintin, il y a consacré plusieurs publications dont Objectif bulles. Bande dessinée et histoire (Genève, Georg, Collection L’Equinoxe, 2009, 214 p.). Gageons que nous apprendrons pourquoi Tintin montre et accompagne si bien l’Histoire.
Le dessinateur Exem, auteur en 2014 de la spectaculaire affiche de l’exposition Objectif Penthes. Tint’interdit. Parodies & Pastiches, au château de Penthes, reviendra sur ce travail qui, prolongé alors par un démarquage des mythiques pages de garde des albums Tintin des années 50, met en scène au final vingt-cinq personnages historiques de la Suisse dans une mise en scène furieusement hergéenne. Depuis qu’il a créé il y a plus de trente ans le personnage de Zinzin, Exem joue obstinément avec le style ligne claire, ancrant notamment, sous des apparences potaches, les aventures de Lanceval (confronté à l’intenable jumeau maléfique de Tintin) dans la Genève des années 30, évoquant aussi bien la Société des Nations que le journal L’Echo illustré de cette époque.
Dans une sorte de « voyage autour d’un Carnet de voyage », Jean Rime nous proposera quelques réflexions à partir d’un livret grand public consacré à l’histoire et à la culture suisses, réalisé en collaboration avec la société en charge de l’héritage d’Hergé. Raconter l’histoire suisse avec l’œil de Tintin ? Tel était en effet le cahier des charges – pour ne pas dire la gageure – de ce Carnet de voyage en ligne. Au-delà du parcours lémanique de Tintin dans L’Affaire Tournesol, il s’agissait, dans une sorte d’exercice de style, de trouver le plus de ponts possible entre la Suisse et l’œuvre d’Hergé. Quoiqu’une approche élargie incluant d’autres bandes dessinées plus attendues dans ce contexte (Astérix chez les Helvètes pour l’Antiquité, par exemple) en eût facilité la concrétisation, la contrainte liée à ce projet a néanmoins permis de mettre en lumière la diversité de l’expérience suisse d’Hergé. La démarche a également posé d’intéressantes questions épistémologiques : si Tintin de passage dans notre pays n’est qu’un reporter à l’étranger pour les lecteurs belges ou français du Carnet, il deviendrait presque, pour le rédacteur romand, le révélateur paradoxal de sa propre identité : est-ce bien du même Tintin qu’il s’agit ?
Quant à Alain-Jacques Tornare, il jouera le rôle de modérateur tout en présentant l’apport du Musée de Penthes à la réflexion sur ce qui est vrai ou faux en Histoire à travers l’art de la parodie présentée dans l’exposition « Tint’interdit », dont il fut le commissaire.